25/04/2009

Hollywood poétise la Crise

La vogue des extra-terrestres sauveurs de l’Humanité reprend du galon dans les salles obscures. Exemples avec deux films récents : Prédictions (2009) avec Nicolas Cage, et Le jour où la Terre s’arrêtera (2008) avec Keanu Reeves. 2 films intéressants à décortiquer, pour la teneur en propagande (new age) qu’ils contiennent.

Dans les deux films nous sommes confrontés à l’idée d’une apocalypse imminente. N’y voyez aucun trait relevant de la science-fiction ou de l’imagination. Au contraire ! Les références à l’actualité sont légion. Si légion qu’on prend les films pour ce qu'ils sont : de la morale de masse. Dans Prédictions, le héros, incarné par un Nicolas Cage alcoolique, découvre un manuscrit nostradamesque datant des années 60, et contenant, sous forme de suite de chiffres, la liste des grandes catastrophes humaines (crash, explosions, incendies, 11 sept.) advenues depuis 40 ans. Et bien évidemment, le manuscrit contient les catastrophes à venir, parmi lesquelles la fin du monde.

N. Cage déchiffre un manuscrit dans Prédictions


Dès le début du film Le Jour où la terre s’arrêtera, les informations télévisées annoncent, suite à l’atterrissage d’un OVNI, que le monde entier est aux aguets. Les croyants de toutes religions s’unissent en prières. Poutine, Benoît XVI prononcent des discours pacificateurs (Obama le Messie n’avait point encore été élu lorsque le film fut tourné). Toujours dans ce film, Les responsables religieux parlent d’une nouvelle ère à venir. La crise de panique étend ses bras de pieuvre sur l’humanité épleurée. « Ils refusent de changer », diagnostique un extra-terrestre en mission sur la terre depuis 60 ans. Déguisé en humain, il s’est créé une famille, et sa sensibilité l’empêche d’être impartial : « je ne pense pas qu’il faille les détruire. Non il ne faut pas les détruire. Les humains ont en effet une autre facette, qui est attachante », dit-il à l’extra-terrestre venu sauver la planète de la race humaine (Keanu Reeves incarne cet extra-terrestre salvateur). Un prix Nobel de mathématiques aura même ce mot, superbe témoignage de sa bonne foi : «ce n’est qu’au bord du précipice qu’on peut évoluer». Les humains ne seront donc pas détruits, s’ils acceptent d’évoluer ? Eh bien, ils surviveront. Finalement Keanu se laissera attendrir par les yeux de l’héroïne. Vous avez une autre facette, lui dira-t-il avant de mourir dans un nuage de poussière ! Keanu l’extra-terrestre, qui a le pouvoir de ressusciter les morts, de guérir n’importe quelle blessure, épargnera l’Humanité par compassion, après lui avoir asséné une sévère leçon par le biais d’un Robocop haut de trente-six mètres , au moyen de son regard laser destructeur. Ce nouveau Jésus dit aux hommes d’être moins pollueurs, et ça marche.

Le robot châtieur dans Le Jour où la Terre s'arrêtera (titre original: The Day the Earth stood still)


Mais dans Prédictions, tout n’est pas si rose. L’apocalypse aura bel et bien lieu. Et seuls seront sauvés les "élus". Les élus sont des enfants montrant une aptitude particulière, qui consiste à lire l’avenir. Ces élus sont soigneusement sélectionnés, et finalement transportés, puis déposés dans des mondes extra-terrestres où, deux par deux, ils rejoueront Adam et Eve dans de nouveaux jardins d’Eden. Pendant ce temps, le reste de l’humanité est mort et la terre avec eux (parce qu'ils le valaient bien). Il n’est pas inutile d’observer la tête des androïdes chargés de sélectionner les «élus» : apparemment ce sont des hommes, très blancs de peau, aux cheveux blonds et aux yeux noirs : des albinos qui ne se déplacent que la nuit. Des hommes qui n’en sont pas, après tout peu importe de savoir ce qu’ils sont. L’important est de savoir qu’en ouvrant la bouche ils peuvent déclencher un ouragan.

Grâce au précieux manuscrit trouvé qui lui indique les prochaines catastrophes , N.Cage assiste en live et en exclu à des crashs aériens (Prédictions)


Tout cela est pétri de beaux sentiments et de menace de destruction. Je le répète, on en rirait si les échos de l’actualité ne venaient s’y faufiler. Par exemple, il est clair que lorsque Keanu vient sauver la terre des humains, c’est un souci écologique qui le motive. Un postulat écologique interplanétaire puisque c’est sur le conseil de là-haut qu’il est venu effectuer sa mission. Trop pollueuse, engeance destructrice, bonne à rien, l’espèce humaine mérite de mourir, mais la bonne terre Gaïa qu’ils spolient ne mérite pas, elle de mourir. C’est elle, et elle seule, qu’il faut sauver. Quant à Prédictions, idem: même si l’Apocalypse est censée être une conjonction des efforts destructeurs des hommes et de la nature, les hommes mourront, sans qu'ils y soient pour quoi que ce soit, à cause de la poussière de soleil... Le soleil, ancienne divinité mythologique bafouée, prouve son pouvoir en distribuant la mort.

Ainsi dans ces deux films Gaïa et Râ rugissent, réclamant les droits que les siècles de corruption leur ont ôtés. A quand un film où un dieu-lune s’avancera muni d’un sabre pour châtier les incroyants?

Une autre convergence consiste dans la description des extra-terrestres : ils sont comme des hommes, humains et divins à la fois, bons et châtieurs en même temps. L’un, campé par Keanu Reeves, a débarqué sur terre dans son OVNI, ressemblant plus à un androïde aquatique (sans yeux ni bouche) qu’à un homme. Blessé par balles par les policiers xénophobes, il se retrouve à l’hôpital dans un état critique. C’est là qu’il se défait de sa chair pâteuse pour découvrir l’homme, beau comme un sou neuf (c'est Keanu!). Cet homme est plus humain que les humains même, il est d’autant plus doux et compréhensif qu’il est capable de tuer quiconque s’oppose à ses volontés. On a également droit à une scène d’OVNI dans le film Prédictions, et là, l’allusion à des dieux est plus que troublante. Il s'agit de la scène finale où les « élus » montent en vaisseau. Et les extra-terrestres à bord, eux aussi androïdes informes et transparents, sont auréolés d’ailes gigantesques qui les assimilent, dans l’imaginaire du spectateur, à des anges. Ces «anges» refusent pourtant que le héros Nicolas Cage, papa de l’élu, monte dans l’ovni ; car seuls les élus s’embarqueront pour un nouvel Eden. Comme je l’ai déjà mentionné plus haut, d’autres extra-terrestres constellent le reste de ce film : ils ressemblent à des albinos, aux traits fins et aux yeux inexpressifs, au souffle destructeur , et malgré leurs pouvoirs immenses et leur empathie certaine, ils laissent l’humanité mourir.

D’une part, on a une idélogie païenne très à la mode, axée sur la vengeance des éléments naturels (terre et soleil/Gaïa et Râ, ou autre) ; d’autre part des extra-terrestres qui nous sont si supérieurs moralement qu’ils décident positivement, de façon pragmatique, de nous détruire ; tout cela sur fond d’actualité et de catastrophes, de crise mondiale et de solidarité écologique. Tout cela pue la propagande. Et pour cause, les deux films sont des navets (Predictions étant tout de même d’une qualité légèrement supérieure au Jour où la Terre s'arrêtera, lequel, qui pis est, est un remake). Le cinéma devient le relais des médias sur la conduite citoyenne à adopter. Quoiqu’il en soit, les deux films appellent à une nouvelle ère, évoquant une crise subite de plein fouet (crise comparable à une poussière de soleil ou un O.V.N.I.) laquelle crise, dans la douleur, accouche de l’Homme Nouveau, l'Ere du Verseau supplantant celle du Poisson, engageant tout sectateur de la télévision à respecter la planète avant ses voisins. On n’ose pas parler de néo-communisme orwellien, car le seul pouvoir de révolte que le citoyen mondial détienne, consiste dans le tri des déchets et la limitation des naissances : bref l’engagement citoyen. Le respect de Gaïa passe par le tri écologique et le contrôle de la population (quand on est trop, on pollue).

L’autorité revient aux plus intelligents : le petit nombre de dieux à l’apparence humaine décide de notre survie, de notre mort et de notre avenir. Fiction, me demandez-vous ? Pour l’emballage, peut-être. Propagande ? je l’affirme. N’a-t-on pas vu dernièrement un certain président publier une lettre dans 30 journaux internationaux? Le sommet du G-20 écrit-il, doit permettre d'ouvrir une «ère nouvelle d'engagement économique capable d'empêcher à l'avenir une telle crise de se reproduire» ? ... L'évolution au bord du précipice, hmm? Les O.V.N.I.S. et catastrophes, les "crises mondiales" servent à prévenir et à guérir l’humanité de ses torts ancestraux, etc. N’a-t-on pas entendu tout récemment un «vert», Yves Cochet, s’efforcer de faire entendre raison aux "citoyens du monde", les enjoignant d'arrêter de faire des enfants sous peine d’être privés d’allocations ? Ce même Yves Cochet dans sa supplique alla jusqu'à avancer qu'un gosse coûtait 620 aller-retour Paris-New York. Et voilà pour la morale: un gosse c'est pourri, ça balance du Kerozène sur l'océan; vous voyez pas que l'humain c'est pourri par essence ?

Une contradiction immense se fait jour : les films de science-fiction réduisent désormais l’imaginaire à zéro. Pour couper court à toute velléité d’évasion et remplir l’imagination de préceptes « moraux ». Pour conditionner même nos rêves (qui n’a jamais rêvé à partir de livres/films de S.-F ?)... Quoi ! les extra-terrestres sont écologistes ! quoi ! ils sont malthusiens avec cela ? En réalité, on vous dit que même si les extra-terrestres ont une conscience sociale, c’est donc qu’un humain aussi pouilleux que vous en est capable.

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Edit.: après la rédaction de ce message, j'entendis Obama déclarer, en riant, qu'il était le Messie venu sauver ... la planète Terre! Et tout le parterre de s'esclaffer. L'humour, le meilleur moyen pour faire passer des vérités. L'écologie, nouvelle religion... C'est officiel, et c'est pour rire! Ha! ha! ha!

2 commentaires:

Poussières d'Etoiles a dit…

Merci chère Néo pour votre bel article. Par contre je n'irai pas voir ces deux films ça ne m'interesse pas trop... et ça a l'air d'être de super navet d'après ce que vous nous dites!
Pour cela je fais confiance à votre sens critique...
à bientôt et grosses bises

Neodyme a dit…

Vous avez bien raison Poussière; cela n'est pas divertissant !