11/01/2007

Le film Shooting Dogs


« J’ai cru remarquer que ceux qui jusqu’à présent ont mis le prêtre en action, en ont fait un scélérat fanatique, ou une espèce de philosophe. Le père Aubry n’est rien de tout cela. C’est un simple chrétien qui parle sans rougir de la croix, du sang de son divin maître, de la chair corrompue, etc. En un mot, c’est le prêtre tel qu’il est. Je sais qu’il est difficile de peindre un pareil caractère aux yeux de certaines gens, sans toucher au ridicule. Si je n’attendris pas, je ferai rire : on en jugera. »

Chateaubriand, Préface de la première édition d’Atala, 1801.


Vu Shooting Dogs récemment.

Shooting Dogs est un film sur le génocide rwandais inspiré de faits et de « personnages » réels. Ce film a pu être réalisé grâce aux survivants du massacre de l'école dans laquelle s’étaient réfugiés plus de deux mille rwandais tutsi (avant d'être massacrés). On mesure, dès le début du film, son contenu politique... Parmi les européens présents: un professeur idéaliste, un prêtre à qui il ne reste plus que l'espérance, et des membres de l'ONU chargés de « surveiller la paix entre les hutti et les tutsi ».

Je le reconnais, il est remarquable que le personnage du prêtre, pour une fois, ne soit pas nanti d'un vice caché, d'une conduite inexcusable. Il n’est pas non plus présenté comme un héros (du moins pas tout de suite), et le film s’attache surtout à montrer, tout au long de l’intrigue, les dilemmes moraux des deux personnages principaux. Rien à voir ici avec ce que l’on a l’habitude de voir, que ce soit dans les films ou dans la littérature, concernant les gens d’Eglise. Et pourquoi ce prêtre n'est-il pas présenté comme une canaille, me suis-je demandé? Mais en grande partie parce que ce film n'est pas une fiction ! La fiction moralisatrice (héritée d’une tradition déplorée par Chateaubriand en exergue) ne pourrait, de son immanquable fatuité, corriger cette vérité-ci. Nulle fiction correctement engagée ne pourrait « restaurer » la valeur d'une conduite exemplaire et encore moins la cruauté infligée à tout un peuple, laquelle cruauté est une vérité que la fiction médiatique, par exemple, nous a cachée. Les médias ont tant de pouvoir, un pouvoir si nocif, que les appels au meurtre se faisaient par radio avant et pendant les massacres au Rwanda. Ceci nous est rappelé (devrais-je dire « appris » ?). 800 000 « tutsi » furent massacrés : ils n'étaient même pas, aux yeux d'une partie de leurs compatriotes, des rwandais. Cela suffisait à les assassiner à coups de machettes. Là où est la foule il n'y a plus d'homme sans doute. Mais le prêtre a raison de nous rappeler que Dieu aime jusqu’à l'homme au coin de la rue avec sa machette. D’où ceci : ce n’est pas un film qui laisse la « haine » au fond de soi, il n’appelle pas à la vengeance, il montre le vide de l’homme sans Dieu, sans foi, et les conséquences de ce vide-là. Mais après tout , même sans Dieu, on sait bien que personne ne risque rien puisque chacun est retenu par son intérêt et que pour beaucoup d'entre nous, l'intérêt est le ciment de la société...On ne risque donc rien.

09/01/2007

Saturnin nettoie la vermine



Qui ne connaît pas Saturnin?

Je m'adresse à ceux qui veulent le connaître.

Le Saturnin a de beaux jours derrière lui. Les gens portant leur cœur en écharpe sont infailliblement ébaubis devant ce canard nanti d’une voix originale : bègue, pour couvrir les apories visuelles de la cancanerie; adulte, pour achever de rendre le contraste saisissant. Cette voix adulte est la preuve illustrée qu’un caneton est digne de raisonner et que l'enfant de l'autre côté de l'écran n’est pas un niais, du moins plus pour longtemps avec un modèle pareil en face de lui. Un canard sauveteur, malin, vaniteux aimant son prochain autant qu’il exècre l’immonde Belette -dont on ne sait pas d’ailleurs s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Chez La Fontaine, la belette est une femme mais Saturnin s’adresse à elle en ces termes : « descends si tu es un homme ».

Le Chant du Départ (générique) prend le spectateur adulte néophyte au piège, lui disant : plus vous le connaîtrez, plus vous l’aimerez. Ce qui signifie qu’il était prévu que ça l'énerverait: en effet, le spectateur peut s’estimer lésé au premier visionnage ; mais après tout, n’est-ce pas un vieil épisode ? Le spectateur ne doit-il pas aux monuments culturels du passé un minimum d'adoration attestant de sa bonne volonté ? Si ce n’est cela qui motive l’attachement, ce sera sans nul doute la complaisance universelle ressentie par l’homme envers sa propre colère : plus il voit le canard et plus celui-ci l’énerve, et plus celui-ci lui plaît ; car Saturnin est à la fois si bon et si narcissique et si rempli de dévotion et si vindicatif envers Belette (mérite-t-elle la majuscule, cette monstresse?), et si plein de bon sens que ce mélange explosif rend ses victimes aphones. N'est plus niais qui paraît. Devenu enfant, l'homme laisse enfin la parole au canard.

Saturnin au tribunal de la pensée

Si saturnin n’a plus tant de succès auprès de nos jeunes qui lui préfèrent des horreurs, ce n’est pas parce qu’il est désuet. C’est pour une raison plus simple. Voici un exemple. Dans l’épisode Saturnin et le Général Hiver, Belette envahit le fortin dominant le village de Saturnin, fait un pacte avec l’Hiver, retarde le printemps au point de rendre un petit Hamster malade, laissé aux portes de la mort. « Fasse le ciel que Saturnin sauve mon enfant », prie la maman Hamster. Saturnin, sollicité par les braves gens, ne perd pas un instant : il s’agit de combattre le Mal et de sauver un enfant. Marchant d’un pas dynamique au milieu d'une tempête de neige impure qui abreuve le sillon, et traînant derrière lui un bloc, Saturnin, palpitant et goguenard, entonne:


A nous deux Belette, ça va être ta fête,

si ton allié c’est l’hiver, le mien c’est comme le tonnerre

j’ai de la dynamite, ça va être pour souhaiter ta fête (fite?)

c’est un très joli gâteau, je t’en donnerai un gros morceau... ah ça oui!


Saturnin a pris la décision salutaire : faire exploser Belette. « Adieu, Belette, dit-il, de son regard pervers. Adieu ». Les américains, ayant racheté les droits des aventures du canard, les ont à juste titre renommées : Dynamo Duck. Vous ne pouvez pas le faire regarder à vos enfants. CQFD. Si l’on continuait de nos jours à produire de pareilles choses, la SPA ou l’Association des Belettes Libérées, que sais-je encore, ne boycotteraient-ils pas le palmipède?

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Une petite parodie ici

01/01/2007

Bonne Année !

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Bonne année à tous !

Avec l'espoir que vous ferez, au nombre de vos bonnes résolutions, le voeu d'écouter plus souvent The Beach Boys.