12/05/2009

Révolutionnaires embourgeoisés

Nicolas Gomez Davila (1930)


Voici des phrases à méditer :

« Les révolutions se font pour changer la propriété des biens et le nom des rues. »

Nicolas Gomez Davila, Le réactionnaire authentique.

"Les opinions révolutionnaires ouvrent la seule carrière, dans la société actuelle, qui assure une position sociale respectable, lucrative, et paisible".

" Saint-Just, malgré son comportement de hyène, est un éminent penseur bourgeois; sa fameuse phrase sur "le bonheur" mérite de servir d'épigraphe à des revues féminines".

Nicolas Gomez Davila, Les Horreurs de la démocratie, Anatolia, Ed. Du Rocher (2003)


Tout cela semble-t-il absurde ? L'idée que la Révolution n'est pas incompatible avec la bourgeoisie et la richesse est certes plus tolérée qu'auparavant, mais il est nécessaire d'ouvrir les yeux, non seulement sur l'histoire moderne mais également sur notre histoire contemporaine. Je livrerai trois exemples illustres qui mettront cette idée en lumière.


Joseph Fouché

Ce révolutionnaire terroriste des années 1790, devint richissime avec Napoléon qui l'adouba du doux nom de duc d’Otrante. Pendant un temps meilleur ami de Robespierre, il démontra son civisme en persécutant la propriété privée, les riches et l’Eglise. Il est surnommé le «Mitrailleur de Lyon» pour avoir augmenté le taux d'extermination des vermines par la mitraille (plus efficace et moins coûteux que la guillotine). Pionnier du communisme, il écrit, dans son Manifeste de 1793 : «Tout homme qui a au-delà de ses besoins ne peut plus user, il ne peut qu’abuser». Devant le tribunal où il doit répondre de ses actes, il se tire de ses crimes en rejetant la faute sur son complice, Collot d’Herbois. Il fait tomber Robespierre, son ex-meilleur ami. Ses talents machiavéliques lui valent par la suite de travailler pour Napoléon. Au moment opportun, après Waterloo, il devient chef du gouvernement provisoire. Il finit ses jours millionnaire, exilé par les Bourbons qui tolèrent mal un régicide dans leur royaume.


Daniel Cohn-Bendit


Dany le rouge est devenu Dany le vert. Inscrit en 68 sur la liste noire des étudiants de l’université, c’est un rebelle, un lover de la Révolution. Grand homme surtout, car il est interdit de séjour en France jusqu’en 1978 (l’exil est gage de révolte et de dignité). Il signe sa rupture d’avec la Révolution en 1986 dans son ouvrage : «Nous l’avons tant aimée, la Révolution». Le sous-titre aurait pu être complété par : « Et maintenant, il est où mon pognon? ». Candidat à l’étiquette des verts à la mairie de Francfort, puis au Parlement européen où il siège désormais en tant que grande figure historique, il serre la pince à Sarkozy, conservant ses piques spirituelles et sa grossièreté pour les seuls fascistes. La définition qu’il a donnée de lui-même «libéral-libertaire » lui convient bien. Tout contester mais ne pas se priver. Telle est la devise de la Révolution, telle est la devise des embourgeoisés. Dans le même style on pourra le comparer au révolutionnaire de Neuilly, j'ai nommé Besancenot, mais ce dernier n’a pas encore eu le bonheur de s’illustrer dans une Révolution de grande envergure. On attend donc ce moment entre tous désirable, en lisant son ouvrage Che Guevara : une braise qui brûle encore, qui est un peu l’autobiographie de sa vie antérieure. La crise mondiale et le N.P.A. lui donneront-ils cette occasion rêvée de porter les armes, le béret et le cigare de son idole ?

le moment historique de réconciliation entre l'oppression et la liberté


Mikhaïl Khodorkovski


Enfin, pour ceux qui auraient encore des doutes sur la compatibilité entre conviction révolutionnaire et richesse colossale, on évoquera le cas du fameux oligarque russe, Mikhaïl Khodorkovski, dont l’emprisonnement a suscité l’indignation des classes médiatiques françaises. Arrêté en 2004 et emprisonné depuis par de crasseux anti-américains, il se faisait remarquer, étant jeune, par son grand activisme dans les Jeunesses communistes (Komsomol). Membre du parti, il a tout de même réussi à bâtir une fortune personnelle estimée à 15 milliards de dollars, en dirigeant le groupe Ioukos (pétrole) par la suite. Certains humanistes s’étonnent de ses scabreuses conditions de détention, conditions scandaleuses au vu de sa grande richesse et de son appartenance à la mafia (ou de son communisme? - la question est posée).

6 commentaires:

Fantomette le bébé juriste a dit…

YEAHHHH !
Très bon article avec des pointes d’ironie, j’aime !
Mais voulez vous dire Néo que le communisme engendre toujours le capitalisme ? que cela est systématique ?
Tendrement
Fantomette le bébé juriste qui fait ses dents

Neodyme a dit…

Chère Fantomette le bébé juriste

merci pour votre commentaire!
Je n'ai pas voulu dire que révolution était l'exact synonyme de communisme. Cela dit ces deux phénomènes sont liés: j'aurais pu citer Luther, qui sans être communiste, suscita une pléthore de disciples communistes qui "dévièrent" du luthéranisme et de son "orthodoxie": ils menèrent la Guerre des Paysans -au nom des idées en germe chez Luther - et Luther encouragea ignoblement les Princes, qu'il avait d'abord conspués, à éradiquer cette masse ingrate. C'est le lot des révolutionnaires: se retrouver à toujours plus radical que soi.

Je n'ai donc pas voulu dire que le communisme engendrait le capitalisme -c'est plutôt l'inverse dans l'ordre de l'histoire (cf. Marx le bourgeois "capitaliste"). Cela dit, vous avez raison dans la mesure où l'on peut tourner sa veste sans que cela ait quoi que ce soit de choquant, et passer du communisme au "capitalisme": la biographie d'un individu n'ayant pas toujours grand chose à voir avec l'histoire des idées.

Pourquoi donc, y a-t-il compatibilité entre ces phénomènes apparemment contradictoires? Tout comme le communisme ou la révolution, le capitalisme est le fruit des idées libérales.
Par "libéralisme" comprenez le sens que lui donne le pape Léon XIII dans l'Encyclique "Immortale Dei": c'est l'idée que tous les hommes sont égaux et qu'en aucune façon ils ne peuvent être soumis à l'autorité d'autrui (Roi, Prince, Dieu, Pape ou encore frontières et lois du marché).L'homme fait ce qu'il veut, personne n'a le droit de commander aux autres .

je ne dis pas que cette définition s'applique aux régimes communistes. Mais c'est le postulat commun aux idées de la modernité: plus de hiérarchie. Dostoïevski: "si Dieu n'existe pas tout est permis". Le paradis descend donc sur terre, et l'embourgeoisement n'est en rien répréhensible dans la moralité d'un communiste qui n'est pas un petit chrétien épuré, l'embourgeoisement est même normal pour un communiste car en bon libéral, il veut, lui aussi, le paradis sur terre.

De façon abstraite: en comprenant le "libéralisme" comme une guerre contre Dieu, alors on comprend en ce cas que le marxisme/communisme, plus encore que l'idiot utile du libéralisme, en constitue l'avant-garde (destruction de toutes valeurs/frontières, etc.)

Le Slovaque a dit…

Néo,

Bendit aime dire lors de ses débats publics qu'il est juif-allemand et qu'il est donc, à lui tout seul, l'expression la plus magnifique de la contradiction même, il est l'oppresseur-oppressé, tiraillé entre son statut de victime et de bourreau. Bendit a été ennuyé il y a quelques années lors de la parution d'un de ses livres où il racontait des "ébats intimes" avec des jeunes gens... mineurs. Celui-ci avait alors du se défendre expliquant que "tout le monde faisait cela à l'époque" mais aussi qu'il y avait prescription... Bendit est pour moi le symbole même de l'ordure, du pyroman qui met le feu à l'immeuble en ayant bien repéré au préalable son issue de secours le "je le fais mais vite, vous ne me connaissez pas". C'est à mon sens une personnalité dangereuse et nocive, une menace pour l'Europe, pour toutes les valeurs morales... Je suis très content que vous l'eûtes cité comme un des beaux exemples de bourgeois révolutionnaires imbus et laches.
Quant à la révolution, je ne suis pas suffisamment historien pour en parler mais je vous renverrais aux propos de Zemmour à O. Besançennot "aucune révolution par le passé ne s'est faite sans violence, comment comptez-vous y arriver ??"

Anonyme a dit…

très bel aricle qui rafraichit en ma pauvre mémoire les qlq bribes retenues d'une conférence de Reynald Secher! quand sortira votre prochain article?
des pensées par miliers
tagadagirl

Neodyme a dit…

Le Slovaque, vous écrivez "Je suis très content que vous l'eûtes cité comme un des beaux exemples de bourgeois révolutionnaires imbus et laches." Merci, mais au contraire je pense que sa lâcheté, si lâcheté il y a, n'est en rien contredite par son passé de révolutionnaire. Lâcheté à se détourner de l'aspect "prolo"? Selon moi il y a continuité, elle est d'ordre morale.

Tagadagirl, merci pour votre commentaire!

Anonyme a dit…

sympa ! j'aurai bien vu cette phrase tiré du Guépard, sorti de la bouche du neveu du Prince Salina: « Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change » ... et si les figures révolutionnaires n'étaient que des pantins articulés autour de la rotation perpétuel de la révolution humaine. J'entends par là que l'ordre établi n'est qu'un myhthe, la légitimité d'un pouvoir, rang ou privilège ne doit reposer que sur l'action ! celle ci devant se tourner vers le bien commun...

Mais par pitié, arrêtons d'élever ce voyou de cohn bendit au rang qui n'est pas le sien, la robe est trop grande, il n'est qu'un huluberlu herbeux immortalisé un jour de printemps... ce piédestal qui lui est dressé est bien à l'image de notre société !

bancal qu'est tout cela ! ça finira bien par tourner ...

Votre dévoué Manatane